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03/03/2008

Les éditeurs et leur service de presse



Il me faut, parfois, comme durant cette soirée à laquelle m'a convié Philippe Pinault, le patron de Blog Spirit, afin de présenter la nouvelle version de sa plate-forme, préciser que je ne gagne, avec ce blog, pas un centime d'euro.
Bien sûr, cher monsieur, mais, entre nous, vous n'avez pas la dégaine philanthropique, et il y a tout de même le service de presse (SP, pour les habitués), non, qui vous envoie des livres gratuitement ?
Oui, il y a le service de presse qui m'a permis d'amasser un assez beau trésor de guerre : je précise, à toutes fins utiles, que je ne le dilapide point (comme le font nombre de journalistes indélicats), par exemple en revendant partie ou tout dudit magot, entassé sans le moindre effort de leur part, à Gibert. Je conserve au contraire très précieusement chacun des ouvrages que j'ai reçu par le service de presse, qu'importe que je l'évoque avec quelque retard, semaines ou mois, puisqu'on ne lit jamais, n'est-ce pas, le livre qu'on devrait lire au moment où une personne attentionnée ou seulement professionnelle accepte de vous l'envoyer.
J'ose espérer que nul n'osera se scandaliser que tant d'heures de lectures, de prises de notes, de relectures, d'écriture, de relecture de mes notes, de corrections, de mise en page, de réseautage ou plutôt d'agit-prop, reçoivent quelque maigre salaire tout de même !


Je puis donc établir mon petit classement personnel, qui n'a bien sûr aucune valeur scientifique, et affirmer que j'ai toujours obtenu les livres que j'ai demandés (à quelques rares exceptions près qu'il conviendra de mentionner plus bas) de la part d'éditeurs tels que Gallimard, le Cerf, Bartillat, Droz, L'Olivier, Le Rocher, La Table Ronde, Albin Michel, le Seuil, les éditions de Paris, Agone, L'Âge d'Homme, Le Cherche Midi, Robert Laffont, Christian Bourgois, Les Presses de la Renaissance, L'Éclat, Les Arènes, Jérôme Millon, les Éditions de Corlevour, celles du Sandre, Hora Decima, Sulliver, Actes Sud, (feu-) A Contrario, Les Éditions des femmes, Léo Scheer, Arfuyen, Xenia.
Certains éditeurs m'ont même envoyé leurs livres sans que je ne leur en fasse la demande. Les piles d'ouvrages s'entassent donc dans mon modeste appartement, mes lectures sont erratiques et en aucun cas je ne m'impose une quelconque priorité de recension, y compris si cela doit fâcher certains auteurs qui avaient peut-être espéré de ma part, naïvement, une critique de leur livre séance tenante.
On notera que la générosité des éditeurs cités ne dépend point de leur importance puisque de petites maisons, aux publications passionnantes telles que Jérôme Millon, Alexipharmaque, Les provinciales, L'Éclat, Agone ou Xenia se montrent les plus généreuses (à la différence d'autres petites maisons comme les éditions Désordre ou Terre de brume).
Bien sûr, ces éditeurs acceptant de considérer que la véritable critique littéraire n'existe plus seulement dans les pages de revues plus ou moins intéressantes mais aussi, donc, sur la Toile, s'ils sont, heureusement, une majorité, voisinent avec quelques brebis grises, acariâtres, mal léchées sans doute, qui ne jurent que par la presse écrite, le domaine, il est vrai, où prolifère, puisqu'elle n'a plus aucune prédateur, une espèce voisine : celle des moutons.
Ils font bien évidemment une erreur magistrale. La critique littéraire, telle qu'elle est produite, aujourd'hui, en France, par des quotidiens que je n'ai pas besoin de citer (le cas des magazines, celui des revues généralistes ou spécialisées sont encore différents), est à peu près nulle. Petit exercice : lisez quelques-unes des critiques imprimées sur papier ayant salué La route de Cormac McCarthy, considérez leur titre racoleur, leur empilement de métaphores faciles, muettes, vides, catachrèses qui constituent le novlangue journalistique habituel, le galimatias putanisé lui-même en voie de minéralisation complète, leur conclusion banale, etc.; prenez quelques notes sur les pauvres articles du Monde des Livres, de Libération ou du Nouvel Observateur et ensuite lisez les articles de langue anglaise ayant paru dans le Guardian (Alan Warner, 4 novembre 2006), le New York Times (Janet Maslin, 25 septembre 2006), le Washington Post (Ron Charles, 1er octobre 2006), etc.
Je vous assure que cette minuscule étude comparée est... éloquente.
De sorte que les meilleurs articles sur La route, ont bien évidemment paru sur la Toile, à l'exception du très journalistique papier de Pierre Assouline qui reproduit sur son blog les travers décriés plus haut, sous les plumes d'Alina Reyes, Jean-Louis Kuffer, Olivier Noël, Bartleby, Antonio Werli, ici même, sous celles de Jean-Baptiste Morizot et votre serviteur.
Venons-en à présent aux éditeurs qui ne jouent pas le jeu, pour des raisons, bien sûr, qui doivent être, dans leur esprit, évidentes, mais qu'ils ne prennent que très rarement la peine d'expliquer aux pauvres critiques férus de littérature que nous sommes.
Ad Solem. La mentalité genevoise étant à peu près aussi impénétrable que doit l'être, pour quelque ethnologue opiniâtre, celle d'une communauté, vierge de tout contact avec le monde extérieur, de quelque dernière et fort improbable enclave inexplorée de l'Amazonie, Ad Solem répond ou ne répond pas aux courriers et courriels, envoie ou n'envoie pas ses livres selon : la propreté de la voierie de la célèbre métropole helvétique, la couleur du ciel au-dessus du Lac Léman, l'état des plumes ventrales des mouettes volant au-dessus de celui-ci, les derniers et passionnants événements politiques secouant cet État confédéré de moins en moins paradisiaque, de plus en plus picrocholin.
Allia. Je ne mentionne pas l'évidente malhonnêteté de la réponse que m'a naguère fournie cette maison, lorsque je lui ai adressé le manuscrit d'un recueil de mes articles consacrés à George Steiner. Je me souviens d'avoir dû batailler, pendant environ deux bonnes semaines, avec l'une (sinon la seule, je ne sais plus, celle en tout cas qui, selon les dires du patron de la maison, a été la responsable du succès, auprès de la presse, des fameuses Miscellanées de Mr Schott) des attachées de presse d'Allia, afin d'obtenir un seul volume de Novalis, d'ailleurs évoqué sur ce blog, ainsi que bien d'autres ouvrages de cette maison que j'ai, eux achetés. Je me souviens encore que, à l'occasion d'un récent Salon du Livre, je m'approchais du stand de cet éditeur, me présentais à ladite attachée de presse qui échangea trois paroles de stricte courtoisie avec moi avant de ne point me quitter du regard, ou plutôt de ne point quitter du regard mes mains, alors que je parcourais les ouvrages disposés sur leur table. Sans doute a-t-elle eu grande peur que non seulement j'ose lui demander quelque nouveauté en SP (ce que je n'ai point fait, Dieu m'en garde : j'aurais eu sur la conscience la mort subite d'une attachée de presse), mais encore que je m'enfuie en courant, les poches pleines de ses livres !
Je vais donc jouer ma tête de cochon, faire mon petit journaliste (que je ne suis pas, même si je puis donner quelques leçons de journalisme à celles et ceux qui prétendent l'être), et affirmer que je n'évoquerai plus un seul ouvrage édité par Allia, quelle qu'en soit la qualité ou la nullité.
Poursuivons.
Odile Jacob, contacté par mes soins, m'opposa le fait que je n'étais point un journaliste officiel, à savoir susceptible de leur présenter une carte de presse ou, beaucoup plus prosaïquement, n'étant pas l'employé d'un quotidien ou d'un magazine quelconque.
Plon ne m'a jamais rien envoyé. Il faut dire que je leur avais demandé le dernier galimatias de Philippe Sollers, un livre creux, prétentieux, ridicule, aussi vide et boursouflé que l'est, depuis quelques années tout de même, le Doge de la bêtise.
Fayard. Rien, à mes yeux le grand éditeur le plus pingre de Paris. Pas le plus petit exemplaire d'un livre de Renaud Camus, alors même que j'ai évoqué plusieurs fois cet auteur, alors même que j'avais échangé une ou deux lettres avec Raphaël Sorin, qui me disait apprécier les textes de Pierre Boutang. Il est vrai que ce dernier ne répond guère, sur son blog, aux questions que lui posent ses lecteurs, alors qu'un Léo Scheer se dépense sans compter, quitte, bien trop souvent, à évoquer sur le blog de ses éditions des sujets (souvent par le truchement de ses collaborateurs, pas toujours néanmoins) qui n'ont qu'un bien lointain rapport avec la chose écrite...
Ah si, tout de même, je viens de me rappeler que Bruno-Deniel Laurent m'avait envoyé un exemplaire d'un ouvrage auquel j'avais participé, Gueules d'amour, c'est bien la moindre des choses, justement édité par Fayard...
José Corti. Cette vénérable maison, depuis que son plus fidèle et célèbre écrivain, Julien Gracq bien sûr, a disparu, semble marquer le pas. Hormis quelques titres étrangers paraissant dans la Collection romantique, il n'y a que peu d'ouvrages dignes d'intérêt, qu'il s'agisse de critique littéraire ou même de littérature française. Ainsi ai-je évoque le cas de Joël Gayraud.
Vrin, mais aussi Les Belles Lettres, malgré de multiples courriels d'une politesse chinoise, n'ont jamais daigné m'envoyer un seul livre alors que, depuis vingt ans à peu près, je leur demande, de moins en moins poliment, de me désabonner de leur liste de diffusion, ce qu'ils sont parvenus à faire il y a quelques jours rendons-leur hommage, alors même que, bon prince, j'ai publié sur ce blog un texte de Francis Moury sur Michel Desgranges, président du Conseil de surveillance desdites éditions.