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16/02/2008

Tout contre George Steiner et les éditions Allia


Tout contre George Steiner est le titre d'un manuscrit regroupant mes principaux articles sur l'auteur de Réelles présences (pour lequel le journalier Pierre Assouline n'en finit pas de nous manifester sa plus béate admiration), que j'ai envoyé à un certain nombre d'éditeurs, dont Allia. Jusqu'ici me direz-vous, rien que de très banal.
Il y a quelques jours, alors que les éditions Allia disposent de mon manuscrit depuis plus d'une année, je reçois une savoureuse réponse de la part d'Amélie Macé, que je ne puis résister au plaisir de vous livrer telle quelle :

«Cher Monsieur,
Nous avons bien reçu votre manuscrit, Tout contre George Steiner. Toutefois, les éditions Allia ont pour politique de ne publier, dans le domaine contemporain, que des auteurs n'ayant jamais été publiés par d'autres maisons. C'est pourquoi nous ne pouvons envisager la publication de votre texte.
Je vous prie de croire, etc.»
Dans la très réduite palette des réponses habituelles de refus que donnent les éditeurs aux auteurs qui leur soumettent, pleins d'espoir et de crainte, leurs travaux, la raison invoquée par Allia est pour le moins relativement originale.
Originale mais mensongère puisque m'est immédiatement revenu l'exemple de Bruce Bégout.
Bruce Bégout a fait paraître plusieurs de ses ouvrages aux éditions Allia, dont Zéropolis (en 2002), Lieu commun (en 2003) et La découverte du quotidien en 2005.
Je rappelle qu'il a aussi préfacé, en 1995, un ouvrage intitulé Maine de biran la vie intérieure; enfin, publié par Vrin, Bruce Bégout est l'auteur d'une Généalogie de la logique. Husserl, l’antéprédicatif et le catégorial. Ce livre a paru en l'an 2000, avant, donc, mais je puis me tromper, le calcul n'étant pas mon fort, que ne soit édité Zéropolis en 2002.
Que dire d'un autre auteur, David Bosc publié par Sulliver avant de l'être par Allia ?
Amélie Macé, probablement, ne connaît rien des auteurs qu'Allia publie. Sainte innocence : ils viennent sans doute de naître à l'écriture au moment où ils ont franchi la porte du bureau de Gérard Berréby... Dans ce cas, pourquoi me demande-t-elle de lui rendre compte de mon passé d'auteur ?
À moins que... l'auteur contemporain évoqué par Allia ne soit point celui du manuscrit qu'ils ont peut-être eu le temps de lire en plus d'une douzaine de mois (ce dont je ne suis bien évidemment pas même certain) mais plutôt George Steiner ? Je ne puis, dès lors, rien faire d'autre que de parier sur l'honnêteté de la réponse d'Amélie Macé et la croire donc sur parole : je n'ai guère le temps ni l'envie de vérifier le fait que chacun des auteurs publiés par Allia ne l'a été que par ce seul éditeur.
Quand bien même cette raison obéirait à une curieuse volonté éditoriale, je ne puis que la trouver ridicule et encore une fois fallacieuse car voyons, si un Houellebecq ou un Littell s'avisaient, tout d'un coup, d'envoyer leur prochain manuscrit à notre éditeur, je doute que ce dernier oserait répondre à Michel ou à Jonathan ce qu'ils m'ont répondu...
«Cher Monsieur,
Nous avons bien reçu votre manuscrit, suite très attendue et ô combien remarquable de La Possibilité d'une île. Toutefois, les éditions Allia ont pour politique de ne publier, dans le domaine contemporain, que des auteurs n'ayant jamais été publiés par d'autres maisons, y compris, comme c'est le cas pour vous, si vous êtes un gros, peut-être même un très gros vendeur n'ayons pas peur des mots. C'est pourquoi nous ne pouvons envisager la publication de votre texte.
Je vous prie de croire, etc.»
Et puis, au-delà de simples considérations économiques qui sont de plus en plus vitales pour les éditeurs soucieux d'être absolument rentables, je ne vois pas en quoi le fait d'accueillir en son sein un livre sur un auteur (et non pas : un livre de cet auteur, nuance) qui fait publier presque tous les siens par Gallimard serait déshonorant. J'y verrais même une forme de... déconcentration.

Reste qu'Amélie Macé, travaillant dans un milieu qui je crois se soucie parfois d'écriture, à tout le moins de grammaire, devrait s'appliquer à écrire des phrases un peu plus claires qui m'éviteraient d'être plongé dans les affres et les tourments indicibles de semblable imprécision sémantique.

Quoi qu'il en soit, j'ai fait part, au directeur d'Allia, Gérard Berréby, de mon ironique étonnement. Je n'ai pas reçu de réponse de sa part pour le moment.
Je me demande tout à coup si je ne me serais pas trompé en écrivant, sur l'enveloppe contenant ma courte missive, l'adresse d'Allia, confondant l'éditeur avec cette société spécialisée en salles de bains et matériel sanitaire.

À la réflexion, je me dis que, décidément, oui, j'ai dû me tromper...