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05/04/2008

Le Spleen de Néris-les-Bains, petites pensées en prose, par Francis Moury

Néris-les-Bains


Cher Juan.

Malhabilement, je tente d'écrire dans le noir — simplement éclairé par la lueur blafarde de mon écran portable dont je manipule le clavier avec moins d'aisance que celui de mon ancien ordinateur fixe qu'il me tarde de réutiliser — depuis ma fenêtre donnant sur la place solitaire et obscure, à cette heure déjà tardive de la nuit, du casino de Néris-les-Bains, mes impressions, suite à ma lecture de ta très belle critique du texte de E. A. Poe.
C'est une de tes plus belles critiques, portées par une suggestion pointue de Boutang concernant, en effet, l'idée d'un temps sans faille, réconcilié, in illo tempore auquel s'oppose de toute évidence le temps non-réconcilié de la conscience morbide puis d'un univers devenu lui-même morbide. Conscience et maladie ne sont jamais très éloignées chez Poe : elle entretiennent un rapport dialectique. Celui qui l'a le mieux montré est sans doute Gordon Hessler dans le plan final du génial The Oblong Box [Le Cercueil vivant] qu'il tourna vers 1970 : davantage qu'une adaptation, il s'agissait d'une amplification démentielle portant à l'incandescence certains des thèmes les plus authentiquement fantastiques du conteur de Baltimore si passionnément psychanalysé par Marie Bonaparte !
Il y a une conscience de la vie et une conscience de la mort chez lui, comme il y a en psychanalyse une pulsion de mort et une pulsion de vie. La nostalgie de l'être (Ferdinand Alquié), celle du Paradis perdu dans la mythologie primitive (Mircéa Eliade et tant d'autres) sont «le classique» de la position. La désolation, la ruine sensible de leur aperception, sont «la modernité» de la contre-position. La synthèse est une curieuse «anti-folie» pour reprendre le terme utilisé par Paul-Hervé Mathis dans son article déjà ancien mais filmographiquement remarquable paru sur Edgar Poe dans un beau numéro de la revue Écran de 1977 qui comportait une image du Corbeau de Corman en couverture. Il faut lire aussi la section Corman du très bel article de Lise Frenkel sur Cinéma et psychanalyse paru vers 1971, article d'ailleurs commenté trop vite par Jean-Marie Sabatier dans ses beaux Classiques du cinéma fantastique (éditions Balland, 1973).

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