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10/06/2009

Tant de morts de la littérature

Andreas Jacobsz Stock, Peter Paileu's Anatomy in Leiden, 1616
Gravure d'Andreas Jacobsz Stock, Peter Paileu's Anatomy in Leiden, 1616.



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Même si, à mon sens, il ne fait qu'assez laborieusement compiler les plus récents ouvrages (et quelques plus anciens, souvent meilleurs que les précédents) consacrés à la métaphore devenue catachrèse du déclin des lettres françaises et jouer d'une ironie conclusive pour le moins facile voire détestable, l'article (assez mal relu, donc corrigé) d'Alexandre Gefen, intitulé Ma fin est mon commencement : les discours critiques sur la fin de la littérature paru dans le n°6 de LHT, est intéressant, tout comme l'est le sommaire de cette livraison.
L'auteur des Notes d'un souterrain, par lequel d'ailleurs j'ai découvert la note de Gefen, épingle assez justement le style, parfois ridiculement universitaire, des différents contributeurs de LHT, la revue électronique de Fabula.org (1), ainsi qu'un corpus d'auteurs pour le moins répétitif, voire triadique et quelque peu consanguin.
J'adresse un autre reproche à l'article d'Alexandre Gefen : il entre finalement bien peu dans la nuance et la complexité des différentes problématiques abordées par les ouvrages consacrés à notre angoissante thématique, de sorte que son ironie ou, pour le dire moins abruptement, cette si typique manie de croire que le point de vue du chercheur serait objectif, me paraît singulièrement déplacée.
Cette ironie ne peut qu'être la conséquence d'une prétention elle aussi d'essence assez banalement universitaire. Dommage tout de même qu'elle soit la responsable probable d'une lecture pour le moins inattentive de certaines des notes patiemment rassemblées sur ce blog (paraît-il à la mode selon notre auteur), par exemple celles que je signale plus haut ou bien toutes celles que j'ai regroupées dans la colonne de gauche intitulée [Le cadavre] de la littérature.
Ces lectures roboratives auraient permis à Alexandre Gefen, outre le fait de garder quelque modestie herméneutique qui eût été ma foi de rigoureuse mise, de comprendre une évidence pour le moins troublante : les charges menées contre notre littérature épuisée, agonisante ou morte sont elles-mêmes, le plus souvent, conduites sans le moindre tambour battant, sans le plus petit étendard claquant au vent de la méchanceté critique, bref, sans vie, par des vieillards chamarrés ou des jeunes déjà vieux plus à l'aise dans les salles de lecture des bibliothèques que sur le théâtre des opérations.
La littérature critique censée stigmatiser le corps débile de la littérature française est elle-même mourante voire morte, surtout lorsqu'elle est produite, sans grand talent, dans les officines de l'Alma Mater, ce constat, aussi banal qu'on le voudra, doit pourtant être répété sans relâche.
Ces morts poussiéreux qui se croient vivants ont ainsi beau jeu de manier l'ironie plutôt qu'une réelle souplesse intellectuelle : constatant, uniquement par le biais du travail des autres, que la littérature française est ou serait mourante, ils comparent, minaudent, accomplissent (avec filet) deux ou trois, pas plus, figures imposées de basse-voltige mais pour rien au monde ils ne nous proposent de nous indiquer une issue qui nous permettrait de respirer plus commodément, une fois échappés de la morgue et de son atmosphère suffocante.
Enfin, j'invite Alexandre Gefen à se procurer de toute urgence mon dernier ouvrage (sachant combien les temps sont durs pour les universitaires, je puis, mon cher Alexandre, vous en envoyer quelque exemplaire...), Maudit soit Andreas Werckmeister !, lequel détaille mais également met en abyme une hypothèse de lecture pour le moins hardie et pas même blanchotienne : la condition sine qua non pour que vive la littérature est, bien évidemment, qu'elle meure...

Note
(1) Je retrouve, dans le comité de rédaction de cette revue, mon ex-condisciple de khâgne, par ailleurs spécialiste de Paul Gadenne, François Lermigeaux. Je me demande, au cas où il l'aurait lu, ce que François doit penser de mon long article sur Gadenne...