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09/12/2008

Leçons sur l'Enfer de Dante de Galilée

Photographie de la statue de Dante, devant la basilique Santa Croce, Florence. Droits réservés, Mickael San Juan. Dans le corps du texte, Luca Signorelli, Dante et Virgile entrant au Purgatoire, 1499-1502, Fresco, Chapelle de San Brizio, Orvieto.


«Dante est la braise qui passe sur nos lèvres et descelle notre bouche.»
Bruno Pinchard, Pour Dante, Présentation (Honoré Champion éditeur, 2001), p. 11.


À propos des Leçons sur l'Enfer de Dante de Galilée, un superbe volume, remarquablement illustré et postfacé par Jean-Marc Lévy-Leblond, édité par Fayard (distribution : Les Belles Lettres).

41tzx6ObWdL._SS500_.jpgLorsqu'à vingt-quatre ans, vers la fin de l'année 1587, Galilée prononce ses deux Leçons sur la forme, le site et la grandeur de l'Enfer de Dante, il cherche à prouver que la vision du poète ne contredit en rien la construction scientifique, fût-elle complexe projection de la pensée, la plus rigoureuse. L'Enfer existe bel et bien puisque Dante l'a apparemment arpenté et c'est lui, Galilée, jeune et prometteur savant qui, examinant les propositions de deux autres esprits scientifiques, Antonio di Tuccio Manetti (avec les conclusions duquel il est d'accord) et Alessandro Vellutello (avec lesquelles il ne l'est pas, ce sera l'objet de la seconde leçon), désignera sa forme, son volume et son emplacement, s'évasant sous le sol sacré de Jérusalem (1).


Dante.jpgFin lettré puisque Galilée publiera, après ces deux textes écrits en «pure langue toscane» (p. 39) peu connus sur Dante, des commentaires érudits sur La Jérusalem délivrée du Tasse et le Roland furieux de L'Arioste, le savant est sans doute l'un des meilleurs exemples de ces hommes de la Renaissance dont les connaissances, proprement encyclopédiques, n'étaient jamais coupées, comme Jean-Marc Lévy-Leblond le rappelle dans son excellente postface (2), de leur source la plus évidente et profonde, à savoir : la littérature illustre des classiques, livres dans le Livre, livres sondant les arcanes et les mystères du grand Livre de la Nature écrit, selon Galilée, en langage mathématique (3).
Il s'agit donc de montrer que l'Enfer de Dante, en obéissant lui aussi à de rigoureuses lois physiques, est une vue de l'esprit dont la réalité est parfaitement plausible : le génie de Dante même, décrit comme un «chorégraphe et architecte de la plus sublime sagesse» (p. 38), surpasse celui des plus grands mathématiciens puisque, seul, il est descendu au Royaume duquel, Galilée ironise selon Lévy-Leblond (ironie dont je ne suis pas bien certain), il est si difficile de revenir (p. 37). Pourtant, il y a dans ces commentaires, autant qu'une volonté de polémique (contre un savant dont les thèses sont erronées aux yeux de Galilée) et d'éloge, la certitude (y compris dans l'esprit de celui qui commente) que les sciences et les arts commencent, irrévocablement, à s'éloigner les unes des autres. Point ici la lumière torve, selon l'expression de Vladimir Weidlé, du «crépuscule des mondes imaginaires». Cette séparation ne cessera, jusqu'à notre époque, de s'accroître même si demeurent quelques tentatives, comme la mienne, de nourrir la littérature de certaines des intuitions scientifiques les plus éminemment poétiques.

Dante dans la Zone.
Tu n'écriras pas mon nom.
La main de Dante n'est pas celle de Sollers.
La langue de Dante selon Bruno Pinchard.
La vertigineuse expérience humaine de Dante.

Notes
(1) Rappelons qu'existait à l'époque toute une littérature consacrée exclusivement aux plans et mesures de l'Enfer, comme le rappelle G. Agnelli dans Topo-cronografia del viaggio dantesco (Milan, Hoepli, 1891).
(2) Leçons sur l'Enfer de Dante, op. cit., pp. 137-163.
(3) Voir, pour cette formulation célèbre, Galilée, L'Essayeur (traduction de Christiane Chauviré, Les Belles Lettres, 1979), p. 141.